La syllogomanie : comprendre un trouble souvent méconnu pour mieux aider les personnes concernées
Une accumulation qui dépasse le désordre : qu’est-ce que la syllogomanie ?
La syllogomanie, également appelée trouble d'accumulation compulsive, est une pathologie psychique classée dans les troubles obsessionnels et compulsifs (TOC) par le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Elle se manifeste par une difficulté extrême à se séparer d’objets, même sans valeur objective ou utilité réelle, entraînant une accumulation envahissante dans le lieu de vie, au point de nuire à la santé, à la sécurité et aux relations sociales de la personne.
Contrairement à une tendance au désordre ou à une passion pour la collection, la syllogomanie n’est pas un choix conscient ou maîtrisé. C’est une souffrance réelle et profonde, souvent mal comprise par l’entourage et négligée par les professionnels de santé ou du social.
L’INSERM indique dans ses travaux que la syllogomanie est à distinguer d’une simple négligence ou de la précarité sociale. Il s’agit bien d’un trouble mental autonome, dont les racines sont complexes.
Portrait statistique : combien de personnes sont concernées en France ?
En France, les chiffres exacts manquent, mais les estimations internationales permettent de dresser une évaluation prudente. Selon une étude publiée dans l’American Journal of Psychiatry (Tolin et al., 2011), la prévalence serait de 2 à 6 % de la population générale, soit potentiellement 1,3 à 4 millions de personnes en France.
L’INSEE n’a pas encore publié de données spécifiques sur la syllogomanie, mais les services sociaux municipaux, les CCAS (centres communaux d’action sociale) et les bailleurs sociaux rencontrent régulièrement ce type de situation dans leurs interventions, notamment lors d’insalubrités graves ou de signalements de voisinage.
La moyenne d’âge des personnes touchées se situe généralement autour de 50 ans, avec des premiers symptômes pouvant apparaître dès l’adolescence. Le trouble semble affecter autant les hommes que les femmes, bien que les femmes consultent plus fréquemment.
Comprendre l’origine : quelles sont les causes de la syllogomanie ?
Le trouble d'accumulation compulsive ne se résume pas à une simple mauvaise habitude. Les chercheurs en psychologie et psychiatrie mettent en évidence des causes multifactorielle, parmi lesquelles :
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Facteurs traumatiques : de nombreux patients rapportent des événements de vie marquants (deuil, séparation, perte d’emploi) précédant l’apparition du trouble.
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Attachement émotionnel extrême aux objets : les personnes concernées perçoivent chaque objet comme porteur d’un souvenir, d’une mission ou d’un potentiel futur.
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Altérations cognitives : des études neuropsychologiques (Neziroglu et al., 2004) suggèrent des déficits dans la prise de décision, l’organisation, la planification.
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Comorbidité avec d’autres troubles : la syllogomanie est souvent associée à des troubles anxieux, dépressifs, au TDAH, ou encore au syndrome d’Asperger.
La difficulté de jeter n’est donc pas un caprice mais résulte d’un mécanisme psychique profond, parfois même douloureux, face à la notion de perte.
Des conséquences graves sur la vie quotidienne et la santé
L’accumulation compulsive ne se limite pas à un embarras esthétique. Elle peut avoir des répercussions très sérieuses, notamment :
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Insalubrité et risques sanitaires : l’amoncellement d’objets (vêtements, journaux, boîtes, appareils hors service) peut engendrer moisissures, nids de rongeurs, infestations d’insectes, etc.
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Danger physique : incendies, chutes, blessures liées à l’encombrement des pièces, voire effondrements de planchers ou d’étagères.
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Isolement social : honte, repli sur soi, refus d’ouvrir la porte à autrui, perte de lien familial ou amical.
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Difficultés administratives et juridiques : procédures d’expulsion, conflits de voisinage, intervention de la mairie ou du juge des tutelles.
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Refus de soins : dans certains cas, les soins médicaux ou sociaux sont refusés à domicile, car les professionnels ne peuvent même plus accéder aux lieux.
Le regard de la société : entre incompréhension et stigmatisation
La syllogomanie reste très stigmatisée. Elle est souvent assimilée à de la paresse ou à un refus de se conformer aux normes de propreté. Ce regard culpabilisant empêche bien souvent les personnes concernées de demander de l’aide.
De plus, le vocabulaire courant contribue à cette marginalisation. Le terme syndrome de Diogène, utilisé à tort comme synonyme, désigne en réalité un comportement d’auto-négligence extrême, souvent sans conscience de son état, ce qui diffère du trouble d'accumulation compulsive, où la personne reconnaît parfois son comportement comme problématique, mais ne parvient pas à agir seule.
La revue médicale The Lancet Psychiatry (2020) plaide pour un changement de regard sur les troubles de l’accumulation, soulignant l’urgence d’une prise en charge pluridisciplinaire et déstigmatisante.
Existe-t-il des traitements pour la syllogomanie ?
Oui, mais la prise en charge est longue et complexe, car elle demande à la fois une action thérapeutique, sociale et parfois matérielle. Les approches recommandées incluent :
Thérapies cognitives et comportementales (TCC)
La TCC est la thérapie la plus étudiée pour ce trouble. Elle aide le patient à :
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Identifier les pensées erronées qui le poussent à conserver les objets.
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Développer de nouvelles stratégies de décision.
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Accepter la séparation progressive d’objets peu utiles.
Les résultats sont positifs mais demandent de la persévérance. En moyenne, un suivi s’étend sur plusieurs mois à plusieurs années, avec des rechutes possibles.
Traitements médicamenteux
Ils sont rarement utilisés seuls, mais certains inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) peuvent aider à réduire l’anxiété associée à l’accumulation (source : Revue Psychiatrique Française, 2022).
Soutien social et accompagnement
L’un des leviers majeurs de progrès est l’intervention d’équipes médico-sociales : assistants sociaux, psychologues, infirmiers à domicile, voire associations spécialisées dans l’accompagnement des personnes vivant avec un trouble psychique.
Famille, voisins, professionnels : comment agir face à une personne atteinte de syllogomanie ?
Il est essentiel d’aborder la personne sans jugement, avec bienveillance, patience et fermeté. Voici quelques conseils utiles :
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Ne pas forcer le tri sans consentement, sous peine de générer un traumatisme ou une rupture de lien.
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Proposer une aide concrète : accompagnement dans le tri, aide au contact avec les services sociaux.
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Faire appel à un médecin traitant ou un psychologue pour proposer un diagnostic et une orientation.
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Signaler des situations de danger grave (risque d’incendie, de chute, insalubrité) à la mairie ou au service d’hygiène, qui peuvent enclencher une procédure de protection.
Les associations locales peuvent aussi jouer un rôle important, tout comme certains services d’accompagnement thérapeutique à domicile (SAT).
Pour une société plus inclusive et attentive aux troubles invisibles
La syllogomanie, comme d’autres troubles psychiques, interroge notre capacité collective à ne pas juger trop vite ce que nous ne comprenons pas. Il s’agit d’un véritable problème de santé mentale, qui nécessite écoute, compassion, mais aussi des moyens adaptés.
Mieux la connaître, c’est faire un pas vers plus d’inclusion, de solidarité et de respect des différences. En brisant le tabou, on permet aux personnes concernées de ne plus avoir honte, et d’accéder plus facilement à des solutions qui existent.
Nettoyer après une syllogomanie : un enjeu humain autant que logistique
Un nettoyage hors normes, profondément lié à la santé et à la dignité
Lorsqu'une personne vivant avec une syllogomanie est enfin prête à être aidée — ou lorsqu’une intervention est déclenchée pour des raisons de santé ou de sécurité — se pose inévitablement la question du nettoyage des lieux.
Mais il ne s’agit pas ici d’un simple ménage. Les logements touchés par l’accumulation compulsive présentent souvent :
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Des tonnes de déchets ou d’objets entassés sur plusieurs années, dans tous les recoins.
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Des problèmes d’insalubrité extrême, avec des moisissures, des excréments d’animaux ou de rongeurs, des liquides stagnants, des odeurs persistantes.
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Des structures endommagées : sols dissimulés et déformés, murs rongés par l’humidité ou les parasites.
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Des éléments dangereux : seringues, produits chimiques, appareils électriques défectueux sous des piles de papier.
Dans ce contexte, le nettoyage n’est pas qu’un geste technique. Il est un acte de reconstruction sociale et psychologique, à condition d’être réalisé dans le respect de la personne et en coordination avec les acteurs du soin.
Pourquoi le nettoyage doit être pensé comme un soin
Un logement nettoyé permet :
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Le retour des soins médicaux ou infirmiers à domicile.
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Une réhabilitation possible du logement, évitant l’expulsion.
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La réintégration sociale, par la visite de la famille, d’un aidant, d’un service social.
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Un apaisement psychologique : voir l’espace libéré peut agir comme un soulagement profond… à condition que cela soit fait avec l’accord et la participation de la personne concernée.
Le pire danger serait de vider un logement de force, sans soutien thérapeutique : cela génère très souvent des replis encore plus graves, des rechutes et un sentiment d’humiliation.
C’est pourquoi le nettoyage post-syllogomanie est un processus encadré, souvent en plusieurs étapes :
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Diagnostic du niveau d’accumulation et de dangerosité.
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Information et consentement de la personne, si possible.
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Tri accompagné ou supervisé.
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Débarras sécurisé, parfois en présence d’un psychologue ou assistant social.
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Nettoyage et désinfection techniques (désinsectisation, désodorisation, assainissement).
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Suivi post-intervention.
Dans certaines situations, la protection judiciaire des majeurs (via un curateur ou tuteur) permet aussi de cadrer juridiquement le processus.
Vers une approche interdisciplinaire : nettoyage, santé mentale, accompagnement social
Le cas des logements insalubres liés à la syllogomanie montre à quel point il est essentiel d’articuler les interventions :
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Les services sociaux repèrent les situations à risque.
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Les professionnels de santé mentale diagnostiquent et accompagnent la personne.
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Les équipes spécialisées en nettoyage extrême interviennent pour restaurer un cadre de vie sain.
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Les associations ou proches aidants assurent un suivi de terrain et une présence humaine.
C’est à cette intersection entre dignité, santé, logement et accompagnement que le nettoyage prend tout son sens. Non comme une fin, mais comme un début de réhabilitation et de reconstruction.
En résumé : écouter, accompagner, assainir
Comprendre la syllogomanie, c’est refuser la stigmatisation et choisir l’aide. C’est accepter que derrière chaque logement encombré, il y a une histoire, un vécu, une souffrance, mais aussi une possibilité de réparation.
Le nettoyage, dans ce contexte, n’est jamais anodin. Il ne doit ni humilier, ni brusquer. Il fait partie d’une approche globale centrée sur la personne, sur ses besoins, son rythme, sa sécurité, et son droit à la dignité.
Sources utilisées
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DSM-5, American Psychiatric Association
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Tolin, D. F. et al. (2011), Prevalence of Hoarding Disorder, American Journal of Psychiatry
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Neziroglu, F. et al. (2004), Neuropsychological functioning in hoarding disorder
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INSERM (rapport santé mentale et pathologies psychiques)
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Revue Psychiatrique Française, volume 46, 2022
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The Lancet Psychiatry, 2020
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INSEE (approche contextuelle via données sur précarité et logement)
- Dernière mise à jour le .